Soufiane Chakkouche : pourfendeur des inégalités
Dans Zahra, un roman qui paraît ces jours-ci chez David, l’auteur franco-torontois Soufiane Chakkouche aborde un drame social qui a affecté le Maroc au siècle dernier et le marque encore, soit le sort des jeunes filles qui sont arrachées à leur famille pour devenir de « petites bonnes ».
Zahra est née clandestinement dans un poulailler non loin de la ville de Casablanca au Maroc. Enfant de l’adultère, elle a pris naissance dans la clandestinité et le mensonge. Sa mère, Oumaya, originaire d’un hameau berbère du haut Atlas, est cédée à huit ans par ses parents afin de travailler comme petite bonne à tout faire. Oumaya sera plus tard violée par le chef de famille, Lhaj Nekary, qui fera de Zahra sa fille et l’élèvera comme une jeune fille libre et bourgeoise. Le destin va toutefois rattraper celle-ci sous les trais de Wassim, un séduisant vendeur de haschich, dont elle tombera follement amoureuse et qui causera sa déchéance.
En plus de peindre le phénomène des « petites bonnes » au Maroc, Soufiane Chakkouche écrit sur d’autres maux et thématiques sociétaux et culturels profonds, dont la violence faites aux femmes, la corruption, la pauvreté ainsi que les inégalités sociales au Maroc. Un autre sujet, toujours d’actualité selon l’auteur, est celui de l’immigration clandestine de jeunes Marocains vers l’Europe. Un jeu dangereux où les uns gagnent et d’autres meurent, noyant leur passé et leur vie dans cette périlleuse traversée de la Méditerranée.
Résident permanent au Canada depuis 2019, Soufiane est né au Maroc, où il a vécu trente-trois années. Là-bas, il était journaliste, enseignant de la presse écrite, auteur et scénariste. Son premier roman L’inspecteur Dalil à Casablana, publié en 2013 au Maroc, est considéré comme l’un des premiers romans policiers marocains. Viendra six ans plus tard, en France, L’inspecteur Dalil à Paris, un deuxième roman très bien accueilli par la presse spécialisée, pour lequel l’auteur se retrouve finaliste du Grand prix de littérature policière 2019. Aujourd’hui, Soufiane habite à Toronto, où il est journaliste pigiste et collaborateur pour des projets documentaires et des scénarios de films.
Afin d’écrire l’histoire de Zahra, l’auteur a beaucoup fait appel à sa mémoire. Ayant longtemps été journaliste de terrain au Maroc, il s’est surtout inspiré de la rue et du quotidien, mais aussi des gens. Il a également effectué des recherches sur la route que prennent des clandestins du Maroc pour aller vers l’Europe, de même que sur la navigation en haute mer. En menant des recherches, mais aussi en puisant dans ses souvenirs d’enfance, l’auteur a pu mieux approcher l’époque du roman, soit « les années de plomb » au Maroc, qui se situent entre les années 80 et 90 sous le règne du roi Hassan II.
Ces « petites bonnes » telles que peintes dans le roman Zahra seraient d’ailleurs, encore aujourd’hui, entre 60 000 et 80 000 âgées de moins de 15 ans à travailler chez les classes moyennes et riches de ce pays du Maghreb.
Allongée sur le dos, à même le sol, drapée d’un voile souillé par la Providence, les pieds sur deux sacs de foins qui tenaient lieu d’étriers, les cheveux en sueur et les lèvres sèches, Oumaya (La petite servante) avait juste la force de murmurer :
— Sauve mon bébé et laisse-moi mourir, que Dieu préserve tes enfants.
Zahra, en librairie depuis le 25 février 2021 !
Feuilletez les premières pages du roman.