Rosanna Deerchild : guérir par la poésie
En avril 2018, paraissait aux Éditions David le nom de mama, une traduction du recueil de poésie calling down the sky de Rosanna Deerchild, publié originellement chez BookLand Press (2015). Traduit en français par Mishka Lavigne, le recueil a également été traduit en cri par Solomon Ratt, puis publié chez BookLand Press sous le titre î-nitotamahk kîsik (2017).
Dans ce recueil, l’auteure se fait l’écho de sa mère, qui a vécu l’enfer, de l’âge de cinq à quatorze ans, dans trois différents pensionnats autochtones du Manitoba. C’est en 2008, lorsque la Commission de vérité et réconciliation du Canada commença à récolter les témoignages de survivants de ces pensionnats, que la mère de Rosanna, brisant cinquante ans de silence, parla de ces neuf années passées loin de South Indian Lake, loin des siens. C’est ce parcours vers la guérison d’une durée de six ans qui poussa Rosanna à raconter, par la voix de la poésie, l’histoire de sa mère qui lui était jusqu’alors inconnue.
Rosanna Deerchild est une auteure de la nation crie O-Pipon-Na-Piwan du nord du Manitoba. Son premier recueil de poésie, this is a small northern town (J. Gordon Shillingford Publishing Inc.), lui a valu, en 2009, le Prix Lansdowne de poésie (Aqua Books Lansdowne Price for Poetry). Nominée pour divers prix et reconnaissances, dont le John Hirsch Award for Most Promising Manitoba Writer, Rosanna a également contribué à plusieurs collectifs de littérature autochtone, notamment en poésie.
Elle a travaillé pendant quinze ans pour un éventail de journaux et de grands médias autochtones, incluant APTN (Aboriginal People’s Television Network), l’équivalant en français du RTPA (Réseau de télévision des peuples autochtones). Elle vit aujourd’hui à Winnipeg où elle anime, depuis 2014, Unreserved sur les ondes de CBC Radio One, une émission de partages d’histoires, de musique et de culture des peuples autochtones du Canada.
En tant que poète et témoin, Rosanna sentait que c’était son devoir et son rôle de partager l’histoire de sa mère, une survivante des pensionnats autochtones. L’auteure voulait aussi créer, avec sa mère, un pont vers la guérison d’un traumatisme intergénérationnel. Rosanna se fait donc l’écho de sa mère, mais aussi de tous ceux et de toutes celles ayant subi de la maltraitance, des humiliations de toutes sortes, de la honte, des sévices physiques.
Pour l’auteure, c’est important de redonner à sa communauté, non seulement en écrivant, mais aussi en créant et en coordonnant des ateliers, des lectures et des événements avec des auteurs établis et émergents. Rosanna est aussi co-fondatrice et membre du Indigenous Writers Collective of Manitoba, un groupe de conteurs qui accueille des auteurs émergents, depuis 1999, soit à une époque où les voix autochtones étaient ignorées du courant littéraire dominant.
maintenant
j’ai presque soixante-dix ans
et tu veux que je
partage mon histoire
ok d’abord
la voici
ici dans ce qui n’est pas écrit
ici dans les lignes brisées
de mon corps qui ne pourra jamais oublier
Feuilletez le nom de mama de Rosanna Deerchild !