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12 février 2021

Nicole Champeau : la mémoire des lieux

Le Saint-Laurent coule dans les veines de Nicole V. Champeau depuis sa naissance. Pour la poète, recherchiste et essayiste originaire de Cornwall, en Ontario, le fleuve de sa province natale demeure un lieu de poésie et l’objet d’une quête. En 2009, elle tirait de l’oubli des endroits ayant disparu avec la création de la Voie maritime du Saint-Laurent, avec la publication de son essai poétique, Pointe Maligne. L’infiniment oubliée. Présence française dans le Haut-Saint-Laurent ontarien (Vermillon), un livre qui lui a permis de remporter le Prix du Gouverneur Général.

Dans son plus récent ouvrage, Niagara…la voie qui y mène, qui paraît ces jours-ci aux Éditions David, l’auteure poursuit son devoir de mémoire de lieux importants pour les peuples des Premières Nations et les premiers explorateurs français. La quête qu’elle entreprend est à la fois personnelle, géographique, historique, poétique et identitaire…

Tout commence par une aquatinte que lui tend un octogénaire, propriétaire d’une galerie d’art d’Ottawa. Surgissent alors dans toute leur splendeur les chutes du Niagara. Ce contact la ramène dans le temps et vers sa ville natale, sur les rives du Saint-Laurent. Elle entreprend par la suite de refaire le parcours des premiers explorateurs français jusqu’à Niagara. Elle y redécouvre la mystérieuse beauté de ce lieu ainsi que les étonnantes graphies découlant de ce nom d’origine amérindienne – Onguiaahra – toponyme adopté par les Français d’Amérique, qui ont laissé des écrits sur ce qu’ils avaient découvert.

En 1999, alors que venait de paraître Mémoire des villages engloutis, un ouvrage sur la Voie maritime du Saint-Laurent et le harnachement des rapides du Long Sault, l’auteure revient à Cornwall pour y présenter un exposé sur son livre. C’est alors qu’elle est surprise par l’intérêt de ses interlocuteurs et lecteurs qui souhaitent en apprendre davantage, notamment sur les explorateurs français, qui, plutôt que d’emprunter la voie de l’Outaouais, ont choisi celle du Saint-Laurent. Ainsi, plus Nicole V. Champeau partageait ses découvertes, plus elle se rendait compte à quel point sa démarche, au départ très personnelle, s’avérait un intérêt collectif, surtout pour les francophones dont les racines sont profondément ancrées en Ontario. Se retrouvant devant un patrimoine français oublié, elle décida alors d’en reconstruire quelques facettes.

Pour Nicole V. Champeau, Niagara fait partie de ces lieux qui détiennent le pouvoir d’éveiller des émotions profondes. En elle, elle avait ce désir d’apprendre, de savoir, de comprendre de quoi était faite cette matière vivante. Voulant s’éloigner des clichés de cartes postales des chutes Niagara, elle a entrepris, pendant plus de dix ans, des recherches pour retrouver les toutes premières mentions « écrites » du toponyme « Niagara » ainsi qu’une description des lieux telle que laissée par les nombreux découvreurs et explorateurs comme Samuel de Champlain, qui y avaient séjourné. Elle a également puisé dans la documentation historiographique afin d’en apprendre davantage sur certains protagonistes connus, dont Cavalier de La Salle, et sur d’autres qui le sont un peu moins. Ses recherches la mèneront aussi jusqu’aux Premières Nations de la région. Elle aura accumulé, au fil des années, des centaines de permutations du seul toponyme, Niagara : Oniagara, Ongiara, Neagara, Onyagorah, Ochjagere, Yagero, Iagara, Ohguiaara, Onygara, Neigara…

Pour rassembler une documentation considérable, elle a profité de ses nombreux accès aux centres de documentation de la ville d’Ottawa ainsi que les centres de documentation des ministères fédéraux. Elle a aussi eu recours aux archives, aux bibliothèques, aux cabinets de lecture dans les musées ou centres d’interprétation afin d’y retrouver d’autres sources de contenus biographiques, littéraires, cartographiques et anecdotiques.

Il en résulte un ouvrage extrêmement riche qui réussit à nous entraîner dans l’histoire spectaculaire, inspirante et envoûtante de ces chutes qui demeurent importantes dans le patrimoine canadien-français.  

En librairie depuis le 15 septembre 2020.

Feuilletez les premières pages de Niagara… la voie qui y mène !